Le Japon selon ses légendes: héros et kamis

La Naissance du Japon d'après les écrits du Kojiki
EPOQUE II: L'AGE DES EMPEREURS - Page 2
Yamato takeru...

Ayant compris que les archers les pousseraient dans la caverne où les attendaient sûrement de nombreux hommes armés, O-Usô décida de changer de stratégie: il utilisa les habits de femmes et son escouade se transforma en escorte pour une jeune princesse.
En s'approchant de la caverne, surgirent effectivement de nombreux guerriers.
C'étaient effectivement des Kumasô et leur chef se mit à rire en voyant qu'ils s'étaient trompés de cible: ils avaient traqué depuis des heures une simple jeune femme!
Profitant de sa jeunesse et de ses talents d'acteurs, le prince se fit passer pour une jeune femme raffinée sans qu'aucun doute ne puisse s'immiscer dans l'esprit de ses ennemis.
Ils passèrent la nuit dans la caverne.

Le lendemain, ils furent conduits auprès du grand chef des Kumasô.
Ce dernier sortit le grand jeu, décidé à montrer aux gens des villes que les hommes de la campagne pouvaient aussi faire preuve d'une grande hospitalité. Le sake coulait à flot et rapidement, tout le monde fut saoûl.

La soirée était bien avancée, et O-Usô, "reine" d'un soir, n'avait éveillé aucun soupçon si bien que la garde du grand chef était absente. Le moment venu, il se dévoilà. Le grand chef fut si surpris qu'il demeura comme paralysé face au jeune garçon qui tenait un poignard à la main et rien ne put l'empêcher d'enfoncer cette lame dans son coeur. Au moment de rendre son dernier souffle, il s'écria:" OOooohhh! Yamato Ta..ke..ru....Yamato Takeru!". En baptisant son ennemi de "plus brave du Yamato", le grand chef rendait hommage à la bravoure et à la ruse de son adversaire.

O-Usô décida de changer de nom pour devenir Yamato Takeru!

Avec l'aide de ses compagnons, il égorgea les autres chefs qui se trouvaient dans la salle.
La révolte des Kumasô fut écrasé, ils s'inclinèrent devant le fils de l'Empereur qui avait si aisément assassiné leurs chefs. Yamato Takeru fut vite reconnu comme un grand et valeureux guerrier dans toute l'île de Kyûshû.

Il était à présent temps de retourner auprès de l'Empereur.
Sur le chemin du retour, Yamato Takeru défia Izumo Takeru (le plus fort d'Izumo) en combat singulier. Le prince sortit encore vainqueur de cette épreuve, renforçant sa fierté: il était impatient de retrouver son père.

Mais il n'eut pas le temps de fêter sa victoire. L'Empereur avait déjà d'autres plan de conquêtes.
Il fallait à présent s'occuper de la peuplade des Ainus (des hommes solides et rudes) qui avait été au cours des siècles repoussée au nord de l'archipel, sur l'île d'Hokkaido.

Ils y vivaient sans que l'Empereur ne puisse faire valoir sa souveraineté ce qui était intolérable. Yamato Takeru devait soumettre cette peuplade à l'Empereur du "Dai-Nihon
".

Avant de partir, il se rendit à nouveau auprès de sa tante qui lui confia cette fois la fameuse épée de Susanô-ô, Kusanagi no Tsurugi.

Les Ainus opposèrent au prince une farouche resistance. La guerre dura dix longues et éprouvantes années, les tempêtes de neiges qui ponctuaient chaque hiver rendaient la vie des soldats très difficile.
Mais la volonté de Yamato Takeru était inébranlable et il finit par soumettre les plus réticents des chefs des Ainus à l'autorité de l'Empereur.

Revenant victorieux de cette nouvelle campagne, il voulut remercier sa tante qui lui confia cette fois un silex, un morceau de fer et une mèche (un "kit" pour allumer un feu). Intrigué, il savait toutefois que ces présents pouvaient se révéler utile beaucoup plus tard.

Malheureusement, le pays était toujours en proie à une révolte qui cette fois était menée par un des shogun de l'Empereur.
La bataille cette fois serait la plus rude, puisque les hommes de ce chef de guerre étaient très entraînés et déterminés.

Sur le chemin le menant au champs de bataille, il rencontra dans le district d'Owari la ravissante Miyatsu Hime dont il tomba amoureux.
Mais le temps jouait contre lui, et sa relation avec la belle princesse devait attendre.

Les deux armées se firent bientôt face. Et la bataille s'engagea rapidement. Ce fut un massacre, les hommes tombaient par dizaine. Mais cette fois, l'armée impériale fut mise à mal. Le prince vit ses hommes tomber sous les flèches ennemies. Même ses plus proches généraux furent tués et il finit par se retrouver seul face à ses ennemis encore très nombreux.

Mais l'incroyable se produisit: ses adversaires restaient comme figés, à une distance respectable du prince. Yamato Takeru comprit qu'ils avaient peur de lui, sa réputation l'avait transformé en un personnage de légende, impitoyable et invincible. Cette situation pour le moins inattendue se prolongea jusqu'à ce que le soleil disparut derrière les montagnes.

Ses ennemis avaient décidé d'utiliser le feu pour achever Yamato Takeru: seul un élément sacré pouvait venir à bout d'un tel homme. Rapidement, le prince fit face à un mur de flammes qui l'accula à une paroi. Ainsi cerné, les archers pouvaient décocher une pluie de flèches sur le légendaire personnage.

Yamato Takeru avait en main "La faucheuse d'herbe" (Kusanagi no Tsurugi) et il décida de faire honneur à son nom: il se mit à couper les buissons et les hautes herbes qui l'entouraient. L'ennemi riait de cette folle idée.
Puis il confectionna avec ce matériau une muraille tout autour de lui. L'ennemi riait encore de cette folle idée.

La Paix était de retour...

Le héros tenta d'oublier la belle princesse qu'il avait rencontré avant la guerre étant déjà marié à l'une des deux soeurs, Tachibana Hime. Il allait de province en province où il ne manquait pas de montrer sa bravoure par d'incroyables exploits.

Il s'ennuya rapidement, n'ayant plus aucun adversaire à sa mesure. Il décida de défier les dieux eux-mêmes!

Alors qu'il naviguait dans la baie de l'actuelle Tôkyô, il se mit à maudire les kamis qui avaient rendu la navigation si ardue en créant tant d'îlots et de récifs. Il s'en prit notamment à Susanô-ô en personne. La réaction de ce dernier ne se fit pas attendre et la mer se déchaîna.

Tachibana Hime était à bord du navire qui n'était désormais plus qu'un bouchon soumis à la fureur de la tempête. Elle voulut calmer la fureur des kamis en sacrifiant ses plus beaux tapis.
Ce stratagème échoua.
Alors elle sauta dans les flots sous les yeux horrifiés de son époux. Ce sacrifice apaisa la colère divine et la mer redevint calme. Au moment de toucher terre Yamato Takeru s'exclama:"Azuma ha ya!" (Ah, ma femme!): Azuma était désormais le nom de la baie de Tôkyô.

Le prince, à l'aide de son "briquet" qui lui avait confié sa tante, mit le feu à cette barricade. Alors l'ennemi compris que ce feu allait mettre fin à la menace qui pesait sur leur cible .
Peu de temps après, l'incendie cessa faute de combustible et le héros sortit indemne de ce piège.

Yamato Takeru se mit à courir vers le palais impérial pour aller chercher le gros de ses troupes. Le shogun rebelle se dit qu'il ne viendrait jamais à bout de cet adversaire si courageux, si fort et si rusé. Il décida de capituler.

De longues années passèrent durant lesquelles il ne put apaiser son chagrin. Le temps fit toutefois son oeuvre et il repensa de plus en plus à la princesse du district d'Owari.

Lorsqu'il revit Mitatsu Hime, il fut ravi de constater que sa beauté était intacte. Ils furent rapidement amoureux l'un de l'autre et se marièrent. Yamato Takeru vécut longtemps auprès d'elle, mais il ne pouvait s'empêcher de maudire chaque jour les dieux responsables de la mort de sa précédente épouse.

La paix fut bientôt remise en cause par les agissements d'un des vassaux de l'Empereur. Ce dernier envoya son fils pour aller raisonner ce personnage bien irréspectueux de l'autorité impériale.

Le prince devait, sur sa route, gravir les hautes montagnes enneigées de la province de Mino. Chemin faisant, il cracha par terre: il vit sur les visages de ses hommes un rictus de terreur intense. Ils lui signalèrent que les montagnes de Mino étaient le domaine d'un kami puissant et cruel.
Le héros cracha de nouveau, défiant par ce sacrilège manifeste la divinité.

Le soir venu, alors que l'on établissait le campement au pied de la montagne qui venait d'être franchie, un gigantesque sanglier blanc surgit et prit pour cible Yamato Takeru. Il esquiva la charge et se mit à poursuivre cette énorme bête qui ferait un beau trophée.

Il suivit le sanglier, sachant pertinemment qu'il était le kami de la montagne, durant de longues heures. Le prince s'épuisa peu à peu. La bête le défiait régulièrement en s'arrêtant pour attendre son poursuivant.

Le soleil reparut et Yamato Takeru vit au loin que le défilé dans lequel il s'était engagé se terminait par un cul-de-sac. Mais quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'arrivé face à une paroi lisse et abrupte ne laissant aucune échapattoire, il ne trouva pas la bête.
Yamato Takeru était épuisé, sa course avait duré si longtemps, et sa frustration était grande car le kami lui avait échappé. Alors qu'il reprenait doucement son souffle, un cri rauque se fit entendre, et un immense rat blanc, surgit de nulle part, apparut devant lui. Puis cette terrifiante apparition s'évanouit. Il se rendit compte alors que le défilé était baigné d'un brouillard de plus en plus épais et il pensa alors que ce kami était responsable de tout ceci: à chaque respiration, il emplissait ses poumons de cette brume empoisonnée. Il se sentit pris au piège et eut le pressentiment que ce combat pourrait être son dernier.
"Pas ici, pas comme ça!" pensa-t-il. Le kami de la montagne avait gagné, le héros était condamné.

Cependant, sa volonté lui permit de regagner son camp puis de parvenir à Ise. Il parvint jusqu'au sanctuaire, mais comme la nuit était déjà tombée, les portes étaient fermée (le temple ne peut admettre aucun visiteur après le coucher du soleil).

Yamato Takeru écrivit un testament sous la forme d'un poème dans lequel il déclarait que la mort ne lui faisait pas peur et que son seul regret était de ne pouvoir remettre ce poème en main propre à son père. Il se prépara à passer la nuit devant la porte du temple, dans la neige.

Yamato Takeru ne passa pas la nuit. Il mourut à l'âge de trente-trois ans.
Le lendemain, les prêtresses d'Ise le trouvèrent allongé, recouvert d'une fine pellicule de givre qui à la lumière du soleil brillait: on aurait dit une statue de glace.

Au moment même où les religieuses se penchaient pour soulever le corps du héros, un héron blanc jaillit de son dos, s'envola très haut dans le ciel et disparu.

Les funérailles du héros de toute le peuple du Dai Nihon furent fastueuses et inoubliables. L'Empereur Keiko pleura longtemps son fils disparu. Il sentit que sa fin était proche et voulut, avant de rejoindre son fils, faire une dernière un tour de son Empire. Quand il revint au palais, il rendit son dernier souffle.

Son troisième fils prit la succession. Seimu Tennô ne fut pas un empereur d'envergure, il mourut en 191 ap-JC, laissant le fils de Yamato Takeru, Chuai, devenir à son tour Empereur.

...Suite Page 3...

Récits du Kojiki
Epoque I - L'ère des Dieux
page 1
page 2
page 3

Epoque II - L'âge des Empereurs
page 1
page 2
page 3

Le Kojiki: le livre