Le Japon selon ses légendes: héros et kamis

La Naissance du Japon d'après les écrits du Kojiki

Susanô-ô n'était pas dépourvu de tendresse... mais il n'en avait que pour sa soeur Amaterasu.
Il décida alors de se rendre auprès d'elle pour une simple visite de courtoisie.

Les kamis, toujours logés dans la voie lactée, voient ce puissant et violent kami se diriger vers leur royaume: affolés, pensant qu'il peut venir destabiliser leur monde, ils vont voir Amaterasu pour lui demander de s'occuper de lui. Ils ne l'appréciaient pas car ils étaient également toujours obligés de réparer les terribles dégâts qu'il cause sur Terre après son passage.
Amaterasu etait elle même très sceptique, elle se méfiait de son frère: elle n'approuvait pas ses manières brutales et sa grossièreté.

Elle se saisit de son arc divin, en bois laqué de couleur rouge vif, et de deux immenses carquois remplis chacun d'un millier de flèches. Elle se poste à l'entrée du royaume, prenant appui sur des nuages pour conforter son assise et brandit son arc déterminée à stopper Susanô-ô dans son élan.

Une rivière séparait le royaume de la terre et celui des Dieux et un pont (l'arc en ciel) reliait les deux berges. Susanô-ô s'arrêta sur la berge opposée au Royaume divin. Très poliment, il salua sa soeur qui était juste devant lui. Amaterasu lui demanda la raison de sa venue et quelles étaient ses intentions.

Le dieu de la tempête lui dit très calmement que son périple n'avait d'autre but que de lui rendre visite. Il se mit à rire, un rire tonitruant et assourdissant.
Il s'étonna de l'attitude d'Amaterasu, de cet accueil froid et menaçant.
Pour dissiper tout animosité, il demanda à sa soeur de briser ses armes en même temps que lui afin de se vouer une paix éternelle. Et il lui confia son sabre. Amaterasu s'en saisit et le brisa en trois morceaux qu'elle dispersa aussitôt.

Elle donna ensuite ses deux carquois et son arc que Susanô-ô détruisit aussitôt.
Le frère et la soeur pouvaient à présent se retrouver. Mais Amaterasu ne pouvait s'empêcher de rester sur ses gardes, elle ne s'habituait pas à son manque de savoir vivre et sa grossièreté.

Malheureusement, il fut la cause de nombreux troubles et sa présence au Royaume divin ne fut pas tolérée très longtemps. Et c'est Amaterasu elle-même qui en fit les frais.

Parmi ses nombreuses activités, Amaterasu aimeait faire de la couture.
Entourée de ses servantes, elle s'affairait en toute tranquilité.
Soudain, le toit se fendit d'une béante fissure. Les débris tombaient dans la salle, les couturières étaient affolées. Un poulain écorché tombait dans la salle pendant qu'un rire - le rire du terrible Sousanô-ô - se fit entendre. Il était satisfait d'avoir fait une bonne blague à sa soeur. Les vibrations qu'il provoquait firent tomber dans la salle de couture de nouveaux débris et des tuiles: de nombreuses servantes sont blessées, d'autres paniquées par le sang du poulain. Et surtout, Amaterasu est elle même blessée, un doigt a été sérieusement abîmé par la navette de son métier à tisser.

Le grand conseil des Dieux, composé des cinq premiers couples de kamis décidèrent de convoquer tous les kamis. Bientôt ils furent des millions à se réunir devant le Conseil.

Cependant, même une fois réunis, ils ne trouvaient aucune idée qui puisse convaincre Amaterasu. Seul le kami "plein d'idées" (Takami Musubi) trouva une solution: il fallait faire chanter les coqs afin qu'ils appellent de leur chant Amaterasu.
Les autres kamis furent enthousiasmés et bientôt des milliers de coqs furent posés sur des toriis.
Mais Amaterasu ne se montra pas: les dieux comprirent les coqs étaient de bien vaniteuses créatures qui pensaient que c'était leur chant qui chaque jour faisait se lever le soleil.

Le kami "plein d'idées" (Omoikane) énonça une nouvelle solution: Amaterasu est une femme, elle est donc enclin à la jalousie comme toutes les femmes.
Les autres kamis furent immédiatement convaincus par cette idée.

Ils allèrent déraciner un arbre géant sur lequel ils disposèrent, pendus à ses branches, des guirlandes ornées de pierres précieuses fabriquées par Tamanoya.

Le kami qui travaillait à la forge Ishikori Dome (et qui n'a qu'un seul oeil) fabriqua un miroir géant (Okagami) avec des panneaux en or. Ils disposèrent le tout non loin de la caverne où s'était enfermée la déesse du soleil.

Puis ils allumèrent des milliers de feux dont la lumière vint se réflechir sur le miroir et les joyaux pendus aux branches de l'arbre. Ils se mirent à rire, à chantonner et à célébrer cette nouvelle source de lumière. Ils proclamaient ce nouveau soleil. Uzume, déesse de la danse, entraîna les kamis dans une incroyable farandole.

D'abord intriguée par toute cette activité, elle observait la scène grâce à quelques fissures dans le rocher qui bouche l'entrée de sa caverne. Puis elle fut jalouse, pensant que les kamis l'avaient déjà oublié: elle ne supportait pas l'idée d'être remplacée ainsi.

Et elle sortit de sa caverne s'approchant rapidement de la nouvelle déesse.
Elle vit alors la plus belle des femmes se dresser devant elle.
Surprise, elle comprit rapidement qu'elle contemplait son propre reflet dans le gigantesque miroir confectionné par le kami forgeron.
Dépitée elle voulut rejoindre sa caverne. Mais le kami "de la puissance" Tajikarao obstrua en un éclair l'entrée de la grotte. La grotte fut alors condamnée à l'aide de la Shirikumi no nawa (corde empêchant le retour).
Cette corde est à l'origine du shimenawa.

Amaterasu était un peu perdue mais elle réalisa que tout ce stratagème avait été mis en place pour elle: les kamis tenaient beaucoup à la déesse du soleil. Ayant repris ses esprits, Amaterasu s'empara du miroir (Okagami) et de la chaîne de joyaux (Magatama), remerciant les dieux pour ces magnifiques présents.

C'en était fini de l'obscurité: à nouveau, le jour succédait à la nuit. C'était un grand jour de joie au Royaume des Kamis.

Susanô-ô qui avait assisté passivement à tous ces évènements décida de prononcer quelques paroles pleines d'ironie. A peine eut-il prononcé quelques mots que les millions de kamis lui dirent de se taire. "Retourne dans l'océan, sur la Terre! Retourne en bas!". Ils se saisirent violemment de lui, lui arrachant au passage quelques ongles et sa barbe. Puis ils le jetèrent dans l'océan. Ce seront les hommes qui devront supporter sa fureur.

Le kami impétueux provoqua pendant quelques temps de nombreuses tempêtes autour et sur les îles de l'archipel créé par Izanagi et Izanami. Mais il finit par se calmer et se mit en quête d'un endroit paisible pour s'y établir.
C'est la province d'Izumo qui retint son attention. Il s'y posa et marcha longtemps avant de rencontrer des humains.

Il se présenta devant une demeure habitée par un couple âgé et leur ravissante fille. Ces trois humains étaient très tristes et ne cessaient de pleurer. Susanô-ô s'approcha, les trois personnes étaient affolés par la terre qui se mit à trembler à chacun des pas du dieu impétueux. Susanô-ô leur dit qu'ils n'avaientt rien à craindre de lui. Il avait changé, se comportant presque comme un homme raffiné: la cuisante leçon qu'il avait reçu au Royaume céleste l'avait certainement affecté.
"Pourquoi pleurez-vous?" leur demanda-t-il. C'est à cause du sacrifice de ma dernière fille que nous devons donner en patûre au Dragon à huit têtes et à huit queues, le monstreux Koshi: Nous avons eu huit filles et chaque année nous avons dû sacrifier l'une d'elle. Et voici donc la dernière encore vivante. Susanô-ô était charmé par le beauté de la jouvencelle. Le vieil homme lui déclara que perdre sa fille serait pour lui la fin de sa joie de vivre, et que plus personne ne pourrait célébrer les ancêtres de la famille.
Susanô-ô voulut alors rencontrer Koshi pour l'occire à condition que le vieil homme accepte que sa fille Kushinada Hime l'épouse.

Cette dernière le regarda attentivement et succomba à son charme: il était beau et fort, son visage rajeunit par l'absence de sa barbe. Et ses habits étaient mis en valeur pas la présence d'un magnifique sabre.
Le vieux Azinazuchi accepta l'offre du kami de la tempête, le maître des océans.

Susanô-ô se saisit rapidement de Kushinada qu'il transforma en peigne: il la posa dans ses cheveux. Il demanda alors au couple de disposer autour de leur demeure une grande clotûre: huit portes devront être disposées et derrière chacune d'elle, un récipient sera rempli de saké que la vieille dame Tenazuchi aura preparé.

Susanô-ô alla se dissumuler dans les bois épais de la forêt voisine.
A peine était il installé que surgit Koshi. Il fut rapidement attiré par l'odeur du saké. Chacune de ses têtes franchit une porte et vint s'abreuver. Le monstre devint rapidement saoûl.

Voyant cela, Susanô-ô planta son sabre dans le corps inanimé. De la large blessure coula un flot de sang qui vint rougir la rivière voisine en s'y déversant: le flot ne se tarit qu'en fin de journée. Seule une des queues du monstre bougeait encore un peu.
Susanô-ô voulut en finir et tenta de la trancher.

Surpris, il vit son sabre qu'il pensait indestructible se briser en trois morceaux. Intrigué, il écarta les chairs encore chaudes pour voir ce qu'il y avait dans cette queue: il trouve un immense sabre (Kusanagi no Tsurugi), le plus beau qui puisse exister.

Il était aussi parfaitement équilibré et malgrè sa taille était fort léger. Susanô-ô l'essaya immédiatement: il trancha un énorme tronc d'arbre aussi facilement que quelques brins d'herbes.
Le rocher voisin fut tout aussi facilement découpé.

(...Suite Page 2...)

A ce moment du récit nous connaissons les trois trésors du Shintô qui sont:
"Kusanagi noTsurugi" (l'épée "qui fauche l'herbe"),
"Yaata no Okagami" (le miroir) et "Yasaka no Magatama" (les joyaux).

 

 

La vie terrestre de Susanô-ô
La colère d'Amaterasu...
Jusqu'en 1945, Amaterasu était la divine ancêtre de l'Empereur. Lorsque le Japon capitula, l'Empereur renonça à toute ascendance divine.
Folle de rage, elle se précipita auprès des autres kamis afin que Susanô-ô soit renvoyé à son royaume terrestre. Mais ces derniers lui répondirent tranquillement que Susanô-ô ne leur avait rien fait et qu'il était lui aussi un kami: le sort de Susanô-ô ne les concernaient pas.

Amaterasu ne pouvait plus contenir sa fureur, et elle se réfugia dans une caverne dont elle referma l'entrée privant la Terre et le Royaume Céleste de sa lumière et de sa chaleur. Ce fut alors une nouvelle ère de ténèbres, seule la lumière des étoiles et de Tsuki-yami perçaient l'obscurité d'une nuit sans fin.

Les dieux subirent à leur tour les blagues incessantes
(et surtout insupportables) de Susanô-ô. Ils ne tinrent pas longtemps et ils se mirent à supplier Amaterasu de sortir de sa retraite pour les aider à renvoyer le kami impétueux. Mais elle demeurait sourde à toutes leurs demandes.
EPOQUE I: L'ERE DES DIEUX - Page 2
La déesse Amaterasu
dessin© Viotti Philippe

Récits du Kojiki
Epoque I - L'ère des Dieux
page 1
page 2
page 3

Epoque II - L'âge des Empereurs
page 1
page 2
page 3

Le Kojiki: le livre