Le Japon selon ses légendes: héros et kamis

La Naissance du Japon d'après les écrits du Kojiki
EPOQUE II: L'AGE DES EMPEREURS - Page 3
Une femme de pouvoir...
Yamato Takeru n'a pas eu une descendance digne de son statut de héros du peuple japonais. Son fils, Chuai Tennô, n'était pas interessé par l'exercice du pouvoir et encore moins par l'idée de mener conquêtes et batailles, préférant de loin la musique et la peinture.

Ce fut l'Impératrice qui exerca réellement le pouvoir impérial. Elle est d'ailleurs connue sous le nom posthume de Jingô Kôgô. Chuai Tennô avait épousé une femme remarquable, dôtée d'un fort caractère et à l'esprit vif. Son époux lui laissait le plus souvent prendre les grandes décisions et peu à peu, c'est elle qui dirigea l'Empire.

Il fut décidé que le palais impérial devait être déplacé sur l'Ile de Kyûshû, Chuai Tennô y cherchait la tranquilité. Mais une fois établi, les Kumasô se révoltèrent à nouveau. L'Empereur se montra totalement incapable de faire face à la situation: l'heure n'était pas aux palabres, comme il le pensait: les Kumasô n'étaient pas là pour dialoguer mais pour faire valoir leur indépendance. Jingô Kôgô était exaspérée de voir avec quelles désinvolture son époux tentait de régler l'affaire. Elle vint s'entretenir avec lui pour lui expliquer quelle devait être la marche à suivre pour mater à coup sûr la rebellion.

Lorsqu'elle pénétra dans les appartements de son époux, celui-ci écoutait de la musique. Il ne prêta aucune attention à son épouse. Cela dure toute l'après-midi. Jingô Kôgô restait à ses côtés sans mots dire, puisque l'étiquette lui interdisait d'adresser la parole à son époux sans qu'il ne l'ait autorisée à parler. Elle attendait patiemment mais elle bouillait intérieurement.

Enfin, l'Empereur s'intéressa à elle. Sachant très bien qu'une femme ne pouvait dicter à un homme, et à plus forte raison quand il est Empereur, sa conduite, Jingô Kôgô prétexta que les dieux lui avaient envoyé des signes pour lui expliquer comment mater la révolte.

Chuai écouta, mais il ne prit auune décision qui aurait pu rapidement résoudre ce problème.

Heureusement pour l'Empire, il mourut en l'an 200 ap-J.C à l'âge de 51 ans.
Ses funérailles durent confidentielles, sa mort devait demeurer secrète.

A présent, Jingô Kôgô avait le pouvoir et elle était bien décidée à en finir avec cette crise qui s'éternisait.
Elle réunit les vassaux les plus importants du clan et leur confia qu'elle assurerait la régence jusqu'à ce que son fils, qu'elle portait encore en elle, soit en âge de régner.
Voyant sa détermination, ils étaient prêts à la suivre.

Le retour à une situation normale ne fut qu'une formalité, l'armée qu'elle leva pour mater les rebelles les impressiona tant qu'il n'y eut même pas de bataille.

Puis elle décida qu'il était grand temps d'étendre l'Empire. Elle décida alors d'envoyer des troupes pour envahir le "Pays du Matin Calme": la Corée.
Jingô Kôgô savait qu'il fallait, pour une telle campagne, s'assurer que le Grand Seigneur des Mers l'approuvait. Elle l'invoqua, lui demandant par un signe (une pêche fructueuse) que le moment était venu de traverser son royaume. La pêche fut miraculeuse ce jour là: Jingô Kôgô était ravie de voir que même les kamis approuvaient sa politique hégémonique.
Mais ce signe pouvait il être une simple marque de respect pour sa beauté? Elle n'avait pas le droit de risquer la vie de ses soldats. Aussi, elle décida de tenter une seconde épreuve.

A la nouvelle pleine lune, elle vint avec ses servantes au bord de la mer. Personne n'aurait pu imaginer que ce soir là, l'Impératrice se serait avancée, nue, dans les eaux que la lueur de la lune rendaient scintillantes, comme si les étoiles avaient décidé de se laisser flotter à la surface.
Avant d'entrer entièrement dans l'eau, elle clama:"Grand Seigneur des Océans, fais moi un signe! Si tu m'approuves, alors fait en sorte que ma longue chevelure se divise en deux nattes égales!".

Les servantes avaient formé un cercle à l'interieur duquel l'Impératrice se plaça, ne laissant que sa tête dépasser hors de l'eau. Le message du kami des mers ne se fit pas attendre: des milliers de petits crabes vinrent coiffer la longue chevelure noire qui flottait.
Elle fut divisée en deux nattes strictement égales.
L'armée fut rapidement préparée et l'Impératrice, dont la grossesse était bien avancée, prit la tête de l'expédition. Elle avait en sa possession deux atouts: la pierre précieuse qui fait monter les eaux et la pierre précieuse qui fait baisser les eaux.
La traversée se déroula sans encombres et jamais la navigation ne fut aussi aisée. La traversée dura quatre journées. Enfin, les côtes de la Corée étaient en vue. Le comité d'accueil était là aussi, de grands bateaux appareillaient pour stopper les envahisseurs.

La bataille allait s'engager. Les troupes de Jingô Kôgô savaient que leurs ennemis étaient de vaillants combattants et que le combat allait être ardu.
Alors Jingô Kôgô fit appel à la pierre qui fait descendre les eaux: le niveau des eaux descendit rapidement.
Les troupes impériales prirent peur: mais le niveau des eaux se stabilisa et la flotte impériale était fort heureusement au-dessus de hauts fonds: les navires ne s'étaient pas échoués ce qui était loin d'être le cas pour la flotte ennemie.
Tous les navires coréens s'étaient brisés en s'échouant si vite.

C'était la panique dans le camp adverse, les archers se mettaient déjà en place, prenant position sur la terre nouvellement découverte par cette marée inattendue.
Les soldats coréens ne s'attendaient pas non plus à la suite des évènements: l'Impératrice fit usage de la pierre précieuse qui fait monter les eaux: une grande vague ramena les eaux à leur niveau initial.
Il n'y avait plus d'adversaire: tous les soldats avaient été noyés, les bâteaux étaient restés au fond.

La conquête de la Corée se déroula sans encombres: le roi capitula dès qu'il apprit de quelle manière ses troupes avaient été anéanties. Il paiera désormais, comme tout vassal de l'Empire, un tribut annuel.

Jingô Kôgô vêtue d'un superbe kimono rouge débarqua et vint prendre possession de cette terre conquise. Les coréens furent impressionnés par l'Impératrice, si belle et avec un regard qui laissait transparaître sa personnalité de conquérante.
Ojin Tennô alias Huchiman...
Dès qu'elle arriva, triomphante, au palais, Jingô Kôgô mit au monde un garçon. Il sera Ojin Tennô.

Mais pour l'heure, elle décida de rester au pouvoir le plus longtemps possible, afin de léguer à son fils un Empire puissant et très riche. Un dernier obstacle toutefois vint se dresser avant qu'elle ne puisse accomplir sa destinée: elle dut écraser dans le sang la marche sur le palais impérial qu'avaient entrepris deux fils illégitimes que Chuai Tennô avait eu avec une concubine.

Ce fut la dernière fois qu'une menace pesa sur sa régence. Et comme elle l'avait prévu, elle transmis à son fils un Empire prospère, étendu, et surtout en paix.
Ojin Tennô était âgé de 69 ans quand il prit le pouvoir. L'Empire du Dai Nihon avait bénéficié des apports de la culture coréenne et chinoise.

Mais trois ans après son accession au trône, la Corée tenta de se rebeller. L'effort fut vain, les troupes impériales vinrent rappeler au roi de la Corée qu'il devait obéir à son maître. Des serviteurs qui avaient été pris en otage furent ramenés au pays: ils avaient appris le travail de la soie et ils furent dispersés à travers le pays pour que cette technique soit répandue. Ces serviteurs formèrent le clan Hata.
Sous son règne les échanges avec la Corée et la Chine s'accentuèrent. En effet, la Chine produisait les plus beaux vêtements et leurs techniques de construction, d'ornementation étaient très avancés.
Mais le bien le plus précieux qui fut ramené depuis ces contrées éloignées n'était ni en métal précieux, ni une parure tissée avec la plus rare des soies.
Parmi les nombreux émissaires venus de Corée, le moine Ajiki était venu avec de nombreux livres, écrits en chinois. Cela ne manqua pas d'attiser la curiosité d'Ojin Tennô: le Japon n'avait toujours pas de système d'écriture et l'Empereur était conscient que cela finirait par devenir un handicap.

Ajiki lisait et écrivait le chinois dont les caractères si finement dessinés pouvaient être considérés comme une forme d'art. Peu à peu, Ajiki forma des érudits japonais et leur enseigna les secrets de l'écriture chinoise.

Il transmis également les paroles de Confucius (qui ont été écrits, il est bon de le rappeler, quelques 500 ans av-JC). Ojin Tennô ne tarda pas à suivre les préceptes confucéens.

Un autre érudit vint de la Corée. Le sage Wani amena avec lui le Rongo (livre contenant les paroles de Confucius) et le Senjihon (le livre aux dix mille caractères).


Grâce à Ojin Tennô, le Japon put se développer très rapidement. Il mourut en 310 ap-JC. Les japonais baptisèrent leur Empereur d'un autre nom posthume, Huchiman
: un nom fort peu en rapport avec son goût pour la culture, lui qui mena si peu d'hommes au combat.

Avant de mourir, il désigna son fils aîné, Waki Iratsuko pour lui succéder. Mais il avait trop bien assimilé les préceptes confucéens qu'Ajiki lui avait enseignés: il ne se sentait pas digne de cette responsabilité et pensa que son petit frère, O-Sasagi, ferait un bien meilleur Empereur.

Or, le frère cadet refusa à son tour, ne voulant pas remettre en cause la décision de leur père. Waki Iratsuko se suicida pour qu'enfin l'Empire ait un souverain.

O-Sasagi devint un Empereur qui fut fort populaire. Il mourut en 399. Son nom posthume que la postérité retient est Nintoku Tennô. Il montra de nombreuses fois que l'on pouvait être généreux tout en dirigeant fermement son Empire.

Les récoltes furent désastreuse durant la septième année de son règne. Les paysans mouraient de faim. Alors, pour ne pas aggraver la situation, il décida de rendre les impôts perçus l'an précédent. Il décida aussi qu'aucun impôt ne serait prélevé durant trois ans. Et pour donner l'exemple, l'Empereur et sa cour ne renouvelèrent pas leurs vêtements durant ces trois années. Aucun travail d'entretien ne fut entrepris dans le palais.
Cette attitude fut payante, le peuple passa ces trois années avec un minimum de souffrances. Enfin, les récoltes redevinrent excellentes, la crise était passé, l'Empereur était grand!

Ainsi s'achève le règne du dernier Empereur légendaire du Japon. Le temps des légendes est achevé, les écrits deviennent désormais des récits historiques qui relatent la vie des hommes et de ceux qui les ont dirigés.

Récits du Kojiki
Epoque I - L'ère des Dieux
page 1
page 2
page 3

Epoque II - L'âge des Empereurs
page 1
page 2
page 3

Le Kojiki: le livre