LES YEUX GRAND
FERMES
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Un essai sur la violence de la jeunesse japonaise
par Viotti Philippe |
Pour ceux qui en douteraient
encore, Stanley Kubrick
fut l'un des plus grand visionnaire de l'histoire du 7e art.
Malheureusement, l'anticipation est devenue réalité: sa vision d'une jeunesse en quête de repères et aux comportements asociaux et ultra violents n'est pas demeurée une fiction. |
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Photo tirée d'Orange Mécanique (1971) |
Comme Jules Vernes,
Kubrick avait vu ce qui n'était pas encore arrivé. (Ici, Alex et ses amis expliquent à un vieux clochard qu'être jeune c'est pas cool et que si ça fait mal, c'est normal, c'est la faute à la société...) |
En fait, en ce qui concerne
l'archipel nippon, plutôt que de citer le fameux film de Kubrick
'Orange Mécanique' pour introduire cet article, un extrait d'un
filmréalisé par un autre "K", japonais celui-là,
serait plus judicieux.
_ "La rue est sombre, calme jusqu'à ce qu'un groupe de jeune garçons interpelle grossièrement un vieux clochard aviné. Apeuré, ce dernier commence à fuir, son état ne lui permettant pas de distancer la bande qui devient plus véhémente. Puis ce sont des injures ponctuées de petits coups. |
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L'escalade de la violence devient inéluctable et bientôt nous retrouvons le vieil homme sur le sol, roué de coups de pieds et de coups de poings que les jeunes agresseurs laissent pour mort ". Voilà comment débute le film "Violent Cop" de Kitano Takeshi. Ce 'remake' de la scène phare d'Orange Mécanique est cette fois le triste reflet de la réalité. |
Kitano Takeshi dans Violent Cop |
Un "jeu" appelé
"Oyaji Gari"
(1) Oyaji
se traduit par "vieillard" est de plus en plus pratiqué,
par des bandes d'enfants: en effet, des bandes parfois fort nombreuses
s'attaquent à des clochards, des vieillards ou des hommes soûls.
Certains des agresseurs n'ont pas plus d'une dizaine d'années
!
Alors que la France est encore sous le choc des derniers faits divers concernant de très jeunes mineurs devenus meurtriers pour des motifs désespérément futiles, le Japon (qui demeure tout de même le pays le plus sûr du monde (nb: après Monaco peut-être?)) doit lui aussi faire face à certains éléments incontrôlés d'une jeunesse qui ne trouve pas toujours ses marques. |
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Les racines de la violence | |
Plus ou moins clairement définies par les sociologues en ce qui concerne les pays occidentaux, elles demeurent infiniment plus complexes au Japon. Le premier argument généralement avancé
est l'absence de repères, de modèle fort, avec une exaltation
de l'individualisme. Le Japon danse
depuis maintenant plus de 50 ans au rythme d'une occidentalisation effrénée
et d'une conservation parfois fascisante des traditions. Non, vraiment, cette piste n'est certainement pas celle qu'il faut approfondir en priorité. |
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La réussite sociale | |
Souvent présentée par les médias occidentaux, la pression exercée par l'éducation nippone sur les enfants n'a cessé de nous effrayer. Le taux de suicide important chez les jeunes également. Mais aujourd'hui, plutôt que de supprimer leur vie, les enfants préfèrent extérioriser leurs pulsions destructrices. Nous sommes à Kobe en 1997. Des passants effrayés regardent un garçon de 14 ans déposer une tête humaine devant l'entrée de son école: celle d'un autre garçon de onze ans à qui il vient d'ôter cruellement la vie. Il avait juste auparavant assassiné deux filles. Mais voici également le cas d'un garçon
de 13 ans, en 1998, qui tue son professeur d'anglais qui lui reprochait
d'arriver en retard trop souvent. |
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La réussite à tout prix pour les écoliers (Photo Viotti Philippe / Japonline) |
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Trois faits divers directement reliés au monde
scolaire, trois symptômes d'un système éducatif
profondément inhumain que les japonais savent rongés par
d'excessives contraintes.
La journée d'un jeune écolier commence par un trajet plus ou moins long en transport en commun (souvent bondés). Toute la journée est sous pression: réussite à tout prix, examens difficiles, port de l'uniforme. Plus insidieusement, les élèves doivent également supporter parfois les agressions physiques et psychologiques de leurs camarades (c'est ce que l'on appelle l'ijimeru) qui peuvent s'avérer très virulents; les professeurs n'interviennent quasiment jamais pour sauver ces malheureux boucs émissaires A la fin des cours, l'enfant va ensuite suivre des cours particuliers, nécessaires pour se maintenir à niveau et fort coûteux pour les parents. Epuisé, l'enfant rentre vers 22h00 pour s'écrouler de fatigue avant de reprendre le lendemain le chemin de l' (enfer) école. . |
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